Tous ceux qui se sont déjà intéressé à la gestion de projet ont un jour été confronté au fameux “Suivi” ou “suivi-évaluation”. Soit parce qu’il s’agit de justifier les actions mises en place pour faire ce suivi, soit parce qu’il faut en détailler les outils.
Mais concrètement. S'agit-il juste de vérifier si "ça avance bien" ?
Le suivi est un dispositif qui vise à connaître et à suivre en permanence et en continu les différentes composantes du projet. C’est un outil de gestion et de pilotage au quotidien de la vie du projet. Il permet de rendre compte de l’état d’avancement du projet et de la conformité entre les résultats attendus et les résultats obtenus en cours d’exécution du projet.
André ROSENVALLON dans "La gestion des opérations d'aide au développement"
Au-delà de l'aspect un peu bureaucratique qu'il ressort de termes comme "rendre compte", "conformité", etc., cette définition met en lumière qu'il s'agit d'un dispositif (et pas seulement d'une action), et qu'elle a plusieurs buts (gérer, piloter, rendre compte, vérifier, etc.).
A mon sens le suivi-évaluation recèle encore de nombreux autres points qui pourraient compléter cette définition et que nous allons tenter de dégrossir ensemble.
La différence entre le suivi classique (niveau 1) et le suivi-évaluation repose donc principalement sur le traitement réservé aux données récoltées :
Naturellement, les équipes projets ont donc tendance (et tout intérêt) à se tourner davantage vers une méthodologie de suivi-évaluation qui permet de réadapter le projet en cours de route et ne pas attendre la fin de celui-ci. Néanmoins, la différence entre les deux approches doit être soulignée, car ces réadaptations ne peuvent pas se faire à tous les niveaux de réalisation du projet, au risque de perdre en cohérence.
Quant au niveau 3, elle découle progressivement du niveau 2. Autrement dit, il n'y a pas de limite franche entre un bon suivi-évaluation et une évaluation finale, d'où, bien souvent, la nécessité de faire appel à une personne extérieure afin de disposer d'un œil neuf sur l'ensemble des réalisations et des modifications.
Remarque : il existe de nombreux types d'évaluation différents qui pourraient constituer d'autres niveaux d'analyse, mais on sortirait alors du champs du suivi en tant que tel (évaluation d'impact, évaluation de la prise en compte du genre, etc.).
Là aussi, plusieurs niveaux s'imbriquent, avec un minimum de 2 niveaux, mais bien souvent beaucoup plus, voire la création d'une chaîne de redevabilité entre le terrain d'un côté et les institutionnels/bailleurs de l'autre.
Chacun, à son niveau, fait une forme de suivi à partir des données qui sont remontées de l'échelle en deça.
Les données brutes sont récoltées par le terrain : les acteur.rice qui font l’action (la formatrice qui “fait l”appel” pour vérifier les élèves présents, l’animateur qui note scrupuleusement les noms et personnes qu’il a visité, l’agricultrice qui répertorie les kilos de tomates récoltées, etc.),
puis reprises, travaillées et analysées par les organisations qui mettent en place les projets : les partenaires locaux, l’association, la structure publique, etc., celle qui met en place le projet. C’est à elle de collecter les données et, idéalement, de les formaliser dans des outils faciles à compléter.
Puis, à tous les niveaux, chacun fait un suivi : à la fois de l’action de terrain et de l’action des acteur.rice.s intermédiaires : la structure en France, les bailleurs.
Oui, en théorie il faudrait des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour chaque activité, pour tous les résultats et objectifs, des indicateurs d’impact, etc.
Mais... (scoop !) cette théorie n’est pas réaliste (sauf si vous disposez d'une équipe dédiée!). Donc pensez concis et soyez minimalistes dans les indicateurs à suivre :
Si de bons indicateurs sont disponibles, deux niveaux sont suffisants :
Si besoin (notamment pour prouver le lien de causalité entre l’activité et l’impact), on peut y intégrer un indicateur de résultat (étape intermédiaire entre l’activité et l’impact).
Au-delà, n’hésitez pas à supprimer toutes les données superflues au-delà de ces données, pour n'avoir que les données essentielles.
FAITES SIMPLE !
Trop d'associations (y compris au niveau professionnel), veulent bien faire, ajoutent beaucoup d'indicateurs et n'en suivent qu'une toute petite partie.
Dès la conception du projet, le suivi doit être prévu : que va-t-on mesurer et comment ? (Faut-il prévoir un questionnaire ? des fiches de présence ? quels modes de calculs des bénéficiaires ? etc.) Or malheureusement, bien souvent ces questions se posent au moment de la rédaction des compte-rendu (donc à la fin), ce qui demande un énorme effort pour aller rechercher les justificatifs et les preuves.
> Choisissez avec soin les indicateurs à suivre AVANT le début du projet. (Pensez également à vous renseigner auprès des bailleurs s’ils ont des exigences particulières à intégrer dans le suivi.)
> Désignez des personnes responsables de ce suivi au différents niveaux vu précédemment (pour la collecte et le traitement)
> Définissez un calendrier et des modalités de suivi (COPIL, bilan mi-parcours, etc.)
Il existe aujourd'hui une myriade d’outils divers et variés. N’essayez pas de tous les connaître ou les maîtriser, mais faites ce travail de recherche et de formation pour trouver les 2-3 outils avec lesquels vous pouvez naviguer.
Bien souvent :
Exemple à ne pas faire : les éléments sont notés à la main dans un cahier de terrain par toutes les personnes concernées (pas de personne responsable, donc pas d'harmonisation dans les écritures), ensuite reprises dans un tableau Excel sur l'ordinateur sur place. En fin de mission (avec du retard car cette retranscription est fastidieuse), ce tableau est envoyé par mail à la structure qui a porté le projet, qui va reprendre ces données dans son propre tableau, puis les réadapter aux documents imposés par les partenaires financiers.
Ces retranscriptions prennent un temps fou ! Si une donnée est manquante ou demande une mise à jour, tout le processus doit être refait.
Privilégiez plutôt :
Impliquez tous les niveaux d’acteur.rice.s dans le suivi : qu’iels sachent les données à collecter et pourquoi.
Pour bénéficier de leur confiance, il faut aussi faire l’inverse et donner régulièrement des retours sur les avancées.
Pensez donc à communiquer les évolutions en interne ! Cela motive et facilite la mobilisation des troupes.
Le suivi ne s’arrête pas à la fin du projet, ou aux quelques années après. Au-delà des activités et des résultats, il s’agit ensuite de suivre et de mesurer l’impact du projet.
Pour avoir une vision plus large autour de plusieurs projets, il s’agit donc de créer un système de suivi à un étage supplémentaire, qui permet de faire un suivi centralisé de l’ensemble des projets et de pouvoir en faire ressortir un impact, sorte de méta-analyse des différents suivi.
Loin d’être un fardeau ou une corvée, le suivi est essentiel, mais parfois un peu rébarbatif. Liez-le à communication et à la valorisation du projet pour en faire un outil puissant de motivation, de communication et de recherche de fonds.
En suivant une approche synthétique mais pertinente, chaque association peut maîtriser l’art du suivi et impacter à tous les niveaux.
3 Comments
Tu as su mettre en avant l’importance du suivi évaluation dans la gestion de projet. De cette façon, cette pratique permet de surveiller l’avancement, détecter les écarts et ajuster les stratégies en temps réel pour assurer le succès des initiatives. Merci pour ton article.
Merci pour cet article, il vaut mieux aussi tout découper en petits morceaux pour un meilleur suivi du projet.
L’article met en lumière l’importance du suivi-évaluation dans la gestion de projet. Sans suivi-évaluation difficile de mesurer le niveau de transformation amené par le projet. Je trouve tout à fait pertinente l’idée d’adapter le projet en fonction des données récoltées. C’est comme un guide qui donne une feuille de route pour transformer le suivi-évaluation en un levier d’efficacité et d’impact pour les projets.